Hold the door ou Fuck off, j’arrête d’écrire

Sans vouloir m’enorgueillir, je n’ai jamais été intimidé par un autre auteur ou scénariste. J’ai été séduit, renversé et/ou impressionné, ça oui, heureusement. Sinon je n’aurais jamais voulu faire ça de ma vie. Aujourd’hui, je dois ajouter « intimidé » dans mon énumération.

J’ai toujours été un fan d’histoires fantastiques. Quand j’étais jeune, mes deux premières lubies étaient les Transformers et Ghostbusters. Dans les deux cas, je jubilais à chaque image, chaque réplique. J’admirais Optimus Primus ; je me reconnaissais en les scientifiques devenus casseurs de fantômes. J’étais transporté par les récits. Évidemment, c’est aussi ce que je faisais avec mes jouets : je créais des histoires. J’ai même fini par me convaincre que mes idées n’étaient pas plus mauvaises que celles des scénaristes de Transformers ou celles de Dan Aykroyd et Harold Ramis pour Ghostbusters. Même très jeune, je n’étais pas le plus humble du village !

Plus tard, à l’adolescence, il y a eu Star Wars. Oh que j’ai aimé Star Wars. Je l’ai aimé inconditionnellement, jusqu’à dire (et penser) à propos de l’épisode I :

— C’est le meilleur film que j’ai jamais vu de ma vie !

Là, un peu d’indulgence s’il-vous-plaît, je n’avais que 19 ans quand je l’ai vu… et j’étais beaucoup moins mature. Ce n’est pas compliqué, si il y avait eu des serviettes sanitaires Star Wars, j’en aurais acheté en me trouvant un excuse pour les utiliser. Disons que j’ai changé mon blaster d’épaule depuis lors..

Ainsi donc, je connaissais tout de l’univers de Star Wars et George Lucas était mon idole. Sauf que, encore une fois, j’étais capable de pondre d’aussi bonnes idées que lui (ou que ceux qui écrivaient les livres et les bandes dessinées). Notez bien que j’admire toujours George parce qu’il a quand même révolutionné le cinéma pour toujours et ceci est un fait. Il aura toujours une place dans mon coeur. Je t’aime George.

Je dois même vous faire une révélation : C’est moi qui a inventé Grievous. Bon, ok, pas tout à fait, vous ne trouverez pas mon nom au générique mais je m’étais imaginé une suite à l’épisode VI, où Luke aurait réussi à sauver son père. Sauf que le pauvre Darth Vader était pas mal amoché, il fallait le réparer. Il avait donc un nouveau costume identique mais blanc et or ! Et tant qu’à y être, pourquoi ne pas lui ajouter deux autres bras, ça serait « overkill ». Darth Vader blanc avec quatre sabrolasers ! Disons que quand j’ai vu Grievous la première fois, j’avais un sentiment de déjà vu.

C’est à la fin de mon adolescence que j’ai commencé ma propre épopée fantastique So-Lam, sur laquelle je travaille encore. J’avais le cerveau rempli d’inspiration, depuis mon enfance que tout ceci bouillait dans mon encéphale. Fallait que ça sorte. C’est encore en train de sortir…

À partir de là, je me voyais parti pour la gloire. Je ne pouvais imaginer l’échec, j’ai abandonné mes études en sciences pures au CÉGEP pour me lancer dans l’animation 2D-3D, malgré mes talents bien ordinaires dans ce domaine. Disons qu’à l’époque, j’avais confondu « imagination » et « talent en dessin ». J’ai quand même appris tout ce qu’il me fallait pour comprendre le domaine du cinéma sous toutes ses coutures, ce qui ne peut pas me nuire.

Plus tard, sont arrivés la Matrice et le Seigneur des Anneaux. Autre claque au visage. Ha oui, nous avons le droit d’être aussi flyés dans nos histoires ! ? On a le droit de creuser l’univers d’un monde fantastique à ce point ! ? Génial alors, je ne vais que me retrousser les manches. Parce que, comme tout auteur (enfin, je crois que tous les auteurs sont comme ça), j’ai fini par me mettre en tête d’écrire l’histoire la plus incroyable du monde. De me donner à 100 % dans cette oeuvre, comme si c’était une extension de mon âme. Pas question de bâcler quelque chose d’aussi important ! J’ai donc creusé la mythologie de So-Lam pour rendre l’histoire encore plus épique. Ainsi, comme J.R.R Tolkien et les frères Watchowski, j’ai réussi à carrément créer un univers détaillé et riche, j’ai même inventé des langues ! Bon, tout va bien.

Puis là arrive Georges R.R Martin. Le dude décide qu’on peut tuer des personnages principaux. Il décide que chaque réplique est à la fois intelligente et vraisemblable dans la bouche du personnage. Il décide qu’il peut virer cul par dessus tête le récit, comme dans le mariage de sang. Il décide que les personnages qu’on déteste viscéralement, on va les adorer un peu plus tard. Il décide que ce que le spectateur veut voir, c’est pas ça qu’il aura (hormis dans ce que j’ai vu de la saison 6). Il crée un récit plus grand et plus vraisemblable que nature. What the fucking fuck !

J’ai rapidement compris que l’auteur réfléchit à un niveau supérieur que le commun des écrivains. On ne peut qu’arriver à cette conclusion après une seule saison de Game of Thrones. Comme si ce n’était pas assez, le récit se complexifie et devient de plus en plus captivant, épisode après épisode, saison après saison. Ça n’a juste pas de sens comment c’est bien pensé ! Il n’y a pas de ralentissement ou d’essoufflement, au contraire. J’ai donc trouvé mon nouvel idole. Je t’aime George.

Le problème, c’est que je ne me crois pas aussi intelligent… et ça me fait royalement chier. Mon ego d’écrivain ne peut pas l’encaisser. Au point où je me suis demandé si je cessais l’écriture. Évidemment, ce ne fût qu’une petite lueur d’idée qui ne dura pas longtemps, mais assez pour me faire peur. Pourquoi j’écrirais si je ne peux faire mieux ?

*** Spoiler de la saison 6 de Game of thrones droit devant ***

Ce n’est qu’après avoir écouté deux fois de file les cinq première saison et après m’être rendu à l’épisode 5 de la saison 6 en anglais que j’ai eu cette idée. Le personnage d’Hodor, qui ne dit que ce simple mot « hodor » du premier épisode jusqu’à sa fin tragique, est un bijou d’intelligence pour tout auteur qui se respecte. Pendant des années, les fans se demandaient pourquoi Hodor ne pouvait que dire « hodor ». Toutes les théories possibles ont été mises sur la table. Sauf la véritable raison. « Hold the door », cette réplique raisonnera dans la conscience collective pendant longtemps. Écoutez, je ne pleure jamais en écoutant un film ou quoi que ce soit. J’ai souvent passé proche, mais je n’ai jamais pleuré. Bon, je l’avoue, je n’ai pas pleuré pour Hodor, mais j’ai vraiment passé très très proche. Une chance que je devais rapidement faire le souper pour ne pas arriver en retard au travail…

Sauf que, je dois me mettre à la place de ce génie de Georges R.R. Martin. Le gars est le plus brillant auteur que le monde aie connu. Il doit aimer être séduit, renversé et impressionné, que ce soit par des films ou des livres, sinon il n’aurait pas fait ça de sa vie. Pauvre lui, il doit souvent être déçu par ce qu’il lit ou regarde. Il doit rêver, intérieurement, que quelqu’un écrive quelque chose d’encore plus intelligent, plus songé et plus captivant que Game of Thrones. Pour avoir le plaisir d’être séduit, renversé et impressionné, comme il nous le fait vivre.

C’est là que j’ai compris pourquoi j’ai presque pleuré pour Hodor. Oui, à cause du récit, c’est certain. Sauf que mon orgueil d’écrivain a été piétiné, écrasé, mis en pièces et brûlé sans pitié. Les cendres ont été catapultées dans le soleil le plus lointain de la galaxie avant que celui-ci entre en super nova. Finit, n’a plus. Le talent que tu pensais avoir, tu peux te le mettre dans ton péteux ! Une belle leçon d’humilité. Ce n’est que maintenant que je comprends que le plus important, ce n’est pas d’écrire l’histoire la plus intelligente, la plus songé ou la plus captivante. L’important, c’est d’écrire. Et c’est ce que je vais faire, me poussant toujours vers l’avant, comme m’ont montré Georges Lucas, J.R.R Tolkien et maintenant Georges R.R Martin, tentant de me réinventer sans cesse dans ma démarche.

En ce qui me concerne, « Hold the door » est un appel de la part de cet auteur de génie. Il a ouvert la porte et nous la tient, nous invitant à passer au prochain niveau de l’art d’écrire. J’espère avoir ce qu’il faut pour passer par cette porte et j’espère que nous seront plusieurs à suivre. Pour le bien des lecteurs, des téléspectateurs et de l’humanité entière.