Éduquer avec un grand D
Si nous avons eu l’initiative de vivre plus vert, au point d’en faire un défi de taille, c’est parce que nous pensons différemment. Nous sommes contre le gaspillage, le suremballage et la désuétude programmée. Sans parler du fluor, de l’aspartame, et les additifs alimentaires. En fait, tous stratagèmes capitalistes, anti-écologiques et démoniaques. Alors, vous pouvez être certains que nous éduquons nos enfants dans cette même ligne de pensée.
D’où la fonction de l’éducation. L’éducation, c’est bien plus que d’apprendre des notions par coeur ou apprendre un métier. À la base, le but de l’éducation est de forger l’esprit critique. Sinon, ce n’est que de l’endoctrinement. C’est de cette façon que j’aborde mon éducation avec un grand D et celle de mes enfants. Le grand D, c’est pour « Doute ».
Mon fils me voit m’informer en fou, me voit argumenter sur des sujets divers, me voit tout remettre en question, me voit rire de la pensée unique. Alors il a tendance à croire tout ce que je lui dis.
« Je crois que tu as raison papa, tu t’informes tellement ! »
Ça me rend tout fier quand mon fils me dit ça sauf que, le mot « endoctrinement » me reviens dans la tête comme un train de MMA à Lac Mégantic.
« C’est gentil poussin mais, tu vas devoir te faire ta propre idée. Je suis humain, je peux me tromper. »
« Pourtant ce que tu dis a du sens ! »
« Ça reste que, quand tu seras grand, tu vas devoir faire comme papa : Tout remettre en question, douter, faire tes recherches et en tirer tes conclusions. Tu ne seras peut-être plus d’accord avec moi. »
« Ça me surprendrais ! »
« T’es fin mais non, t’auras pas de bonbons ! » répondis-je passant devant le magasin de bonbons.
La raison pourquoi j’insiste tant pour que mes enfants fassent leurs propres recherches, c’est que je m’informe sur Internet via des tonnes de documentaires, certains très professionnels, d’autres pas mal moins. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de vérité, mais quand tu écoutes plusieurs documentaires qui arrivent à des conclusions différentes, tu n’as pas le choix : Tu te forges un avis réfléchi. Toute une gymnastique pour le cerveau !
Ça me rappelle une anecdote. Durant le printemps érable, moi et ma femme portions le carré rouge et tapions fièrement sur nos casseroles dès que nous entendions l’appel de la révolution. Un jour, mon fils se balançait à l’école et m’a demandé s’il pouvait lui aussi avoir un carré rouge épinglé sur son chandail. J’ai carrément refusé. Il était trop jeune pour prendre une telle décision. Il ne pouvait comprendre les enjeux et la signification de tout cela. Lui imposer ou même le laissé le porter pour faire comme ses parents, je voyais ça comme de l’endoctrinement. Comme les religions font avec les enfants. Comme la société aussi. Ce ne serait pas rendre grâce à la prunelle de mes yeux. Je lui souhaite la liberté, et ceci passe par la liberté de réflexion. Quand un humain est indépendant dans sa réflexion, il ne peut plus être manipulé par les pressions sociales ou les médias de masse.
Ceci étant dit, ça peut comporter des anicroches d’éduquer ainsi ses enfants. Parce que nous ne sommes pas maîtres de l’interprétation que nos mots évoquent. D’où l’importance de bien choisir nos mots quand on s’exprime. Ce qui n’est pas un art maitrisé par les enfants…
Il arrive à mon fils de se mettre les pieds dans les plats en contestant les normes établies. Il a déjà dit à un camarade de classe qui commençait à consommer un médicament psychotrope : « Tu n’es plus toi même ! Il y a d’autres alternatives ! » Là, j’ai eu droit à un appel de l’école. Sacré poussin !
Est-ce que je regrette tout ça ? Au contraire. Je suis bien placé pour savoir qu’une telle façon d’aborder les choses peut nous attirer la méfiance ou même la colère des autres. Sauf que c’est un peu ça, l’intégrité : Dire haut et fort notre façon de penser en assumant les conséquences.
Je trouve ainsi très déplorable que notre éducation soit vue comme une dépense plutôt qu’un investissement. Qu’elle soient gérée comme une entreprise au lieu d’un bien commun. Qu’elle soient considérée négligeable plutôt qu’indispensable. J’aurais aimé connaître une éducation comme celle de la Grèce Antique : Un mentor qui éduque des enfants selon leurs intérêts et aptitudes personnelles. À l’adolescence, l’enfant va travailler jusqu’à l’âge adulte pour connaître la vie et découvrir ce qu’il veut vraiment faire. Puis à partir de 18 ans, une éducation spécialisée dans ce qui passionne l’individu, où il resplendira de talent et de bonheur. Où l’éducation servait à engendrer de meilleurs humains, pas à formater d’obéissants travailleurs dociles.
Par contre, loin de moi l’idée de chialer sans agir. C’est pourquoi j’ai personnellement pris en charge l’éducation de mes enfants. Oui, ils vont à l’école publique, mais que pour apprendre à vivre en société. Dès que j’ai l’occasion d’apprendre quelque chose à mes enfants, je saute sur l’occasion comme un fauve face à une proie. Ainsi donc, la seule solution contre un système d’éducation défaillant, c’est simplement de nous investir dans l’éducation de nos enfants et ma foi, ça tombe bien parce que c’est ça être parent.